Comment détecter efficacement vos risques de réputation grâce aux réseaux sociaux
Le risque de réputation peut toucher toutes les entreprises. En 2022, Adidas a enregistré une perte d’exploitation de 700 millions d’euros pour la première fois en 30 ans et la marque de sport prévoit une baisse des revenus de 1,2 milliard d’euros en 2023. Ces pertes ne sont pas liées à des problèmes de chaîne d’approvisionnement ou à l’inflation. Selon un communiqué de presse de l’équipementier allemand du 8 mars, ces résultats sont dus à la fin de la relation entre Adidas et Ye (anciennement connu sous le nom de Kanye West) après que le rappeur ait fait des remarques antisémites. La gamme Yeezy sera annulée et la réaction négative des clients a montré le risque de réputation lié à cette relation avec des tiers.
Quand Adidas a signé avec lui en 2013, Ye/Kanye West avait déjà un historique de réactions imprévisibles et déplacées depuis son incident aux MTV Video Music Awards de 2009. Une analyse des médias sociaux et des actualités aurait montré ce passé. De plus, ses propos polémiques sur les réseaux sociaux se sont multipliés jusqu'à ses dérapages antisémites d'octobre 2022 qui ont poussé Adidas et d'autres marques à mettre fin à leur collaboration. Un outil de détection des risques aurait permis d’évaluer les risques potentiels grandissant autour de ce type de partenariat.
Comment utiliser les outils de veille sur les réseaux sociaux pour détecter les risques de réputation ?
Les plateformes de veille et de social listening constituent en effet d’excellents outils pour surveiller la survenance des risques potentiels.
Nous avons vu dans un précédent article comment certaines méthodes d'analyses (typologies et matrices) permettaient de préparer le terrain pour ensuite mieux gérer les risques lorsqu’ils surviennent. Nous allons voir maintenant comment s’appuyer sur des outils de social media listening pour analyser toutes les données du web et des médias sociaux concernant les risques de réputation et réagir le plus rapidement possible.
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📃sommaire :
I. Les types de risques et le risque de réputation pour les entreprises
II. Les entités qui construisent votre réputation
1. Les entités à l’origine du risque
2. Les entités qui vont participer à la communication et à la diffusion des risques
III. Les drivers de risque de réputation
IV. Le périmètre de surveillance
V. Les autres types de sources à recenser
VI. Les déclencheurs de détection des risques
VII. La gestion des signaux faibles
I. Les types de risques et le risque de réputation pour les entreprises
Comment se positionne le risque de réputation au sein de l’univers de tous les risques ? Parmi les risques les plus importants à 5 ans déterminés par les grandes sociétés d’assurances et perçus comme des défis, on trouve la qualité des données : il s’agit de la perte de maîtrise des données, notamment personnelles, accrue par le recours croissant au cloud. Ces risques peuvent avoir un impact réputationnel (risque d’image), opérationnel et judiciaire / réglementaire. Ils peuvent également conduire à un accroissement de la fraude (1). expliquent les spécialistes du risque et de la prospective.
Le risque de réputation fait en effet partie du top 20 des risques les plus importants pour les entreprises en 2023. C’est l’avis d’une enquête auprès de 2712 experts du risque management dans 94 pays (2).
Les risques les plus importants pour les entreprises en 2023 dans le monde (Allianz)
L’importance de ce risque de réputation pour les entreprises varie selon les pays : il est par exemple en 9ème position en Finlande, en 8ème place en Colombie, en 7ème en Belgique ou encore en 5ème au Maroc.
Par ailleurs, le risque de réputation peut également survenir comme conséquence d'autres risques comme les risques de cyber incidents (fuite de données impactant la réputation) , l’interruption d’activité (livraison et rupture de produit générant des commentaires négatifs), évolutions macroéconomiques (ex: inflation des prix sur des produits mis en exergue dans des critiques négatives).
Or ces 3 risques (cyber, activité et macro-économique) sont les 3 premiers risques pour l’ensemble des entreprises dans le monde en 2023.
Pour mieux anticiper et détecter les risques de réputation, il faut analyser ses émetteurs et parties prenantes, ses drivers, les sources de publication et diffusion, et définir les indicateurs de risques.
II. Les entités qui construisent votre réputation
Il faut distinguer les entités qui sont à l’origine du risque de réputation, par rapport aux acteurs qui vont diffuser et propager l’information, amplifiant ainsi l’impact du problème de réputation initiale.
1. Les entités à l’origine du risque
4 grands types d’entités vont potentiellement agir sur la réputation de votre organisation. L’outil de détection des risques doit intégrer l’ensemble de ces acteurs :
- L'organisation elle-même : par ses actions collectives (ou non action) et prises de décision en son nom, l’entreprise peut générer des risques de réputation : licenciements, vol de données , procès, non-respect de la réglementation, mauvaises conditions de travail
- Les fournisseurs et partenaires : ils peuvent critiquer l’entreprise à la suite de problèmes de produits, de contrat, de paiement, d’interruption de service
- Les clients : en postant des avis sur les sites des marques, des messages sur les médias sociaux, des vidéos de leurs mauvaises expériences
- Les employés : À tous les niveaux hiérarchiques, une mauvaise conduite, des comportements non éthiques, des déclarations ou publications inadéquates, des attitudes choquantes.
Les parties prenantes potentielles aux risques de réputation
2. Les entités qui vont participer à la communication et à la diffusion des risques
Ce sont des organisations et des individus. Votre outil de surveillance, d'analyse du web et des médias sociaux doit les inclure dans sa surveillance.
Selon la notoriété de votre marque et l’importance de votre organisation, elles seront plus ou moins nombreuses. Il convient donc de vérifier les risques potentiels associés aux :
a. Entités externes : elles parlent de votre marque en bien ou en mal
- Administrations et Entreprises publiques
- Anciens élèves
- Associations et Fédération
- Concurrents
- Internautes
- Consommateurs
- Eglises
- Influenceurs
- Célébrités et personnalités
- Leaders d'opinion
- Journalisme citoyen
- Lobbyistes
- Médias indépendants
- Médias
- Médias Sociaux
- Mouvements contestataires
- ONGs
- Organisations Internationales
- Organismes réglementaires
- Partis Politiques
- Professionnels et Experts
- Enseignants chercheurs, Scientifiques, Universités
- Syndicats
- Journalistes
- Cyber activistes
- Pirates
- Complotistes
b. Entités internes : les employés de l’entreprise, quelque soit leur niveau, permanents ou ponctuels
- Actionnaires, associés internes
- Top Management
- Codir
- Comex
- Commerciaux
- Ingénieurs
- Juridique
- Marketing PR Communication
- Middle Management
- Production
- Réglementaire
- Relation Clients
- RH
- Risk Management
- Sécurité
- Autres employés
- Intérimaires
- Stagiaires, alternants
c. Entités intermédiaires : elles connaissent un peu votre organisation de l’intérieur
- Anciens employés
- Clients
- Clients ambassadeurs
- Fournisseurs
- Partenaires
- Partenaires stratégiques
- Patients d'un service de santé
- Prestataires
- Usagers du service public
- Sous-traitants
- Prospects
Pour l’analyse de l’impact, la surveillance de toutes ces sources n’a pas de sens si, pour anticiper le flux de messages et l'analyse, vous ne les classez pas par importance : La pondération de toutes ces parties prenantes en fonction des risques associés devra renseigner l'importance de l’impact en cas de “prise de parole” ou de publication et sa probabilité de survenance.
III. Les drivers de risque de réputation
Afin d’affiner votre détection des risques potentiels, il convient aussi de classer vos messages selon les drivers de réputation à savoir tous les facteurs potentiels de déclenchement d’un risque ou d’une opportunité de réputation. De la même manière que votre outil de social listening doit inclure les parties prenantes dans sa surveillance, il doit intégrer aussi tout ce qui constitue ces drivers.
Les drivers sont tous les éléments, comme autant de briques, qui vont potentiellement impacter votre réputation et qui, pris dans leur ensemble, construisent l'e-réputation de votre entreprise. Les drivers de la réputation digitale sont complètement liés, dépendants et interconnectés à ceux de la réputation globale. Par exemple, l'année passée, les drivers considérés les plus importants par les entreprises et les consommateurs étaient les produits, la gouvernance, la citoyenneté et le leadership. LIENS
Votre surveillance devra donc prendre en compte une collecte des mots clés autour de ces différentes notions mais aussi permettre une classification fine de toutes les composantes de ces drivers.
Les drivers de réputation de l’entreprise
Ils comprennent :
Les Produits et services
La qualité et la valeur de ses produits et services, le rapport qualité-prix, y compris l'expérience client, la satisfaction des besoins et l'accompagnement client.
L’Innovation
Le degré d'innovation d'une entreprise, si elle est la première sur le marché et si elle s'adapte rapidement pour le changement.
Le Lieu de travail
Si une entreprise se soucie de la santé et du bien-être de ses employés et de ses capacités à offrir des récompenses équitables, ainsi que l’égalité des chances sur le lieu de travail. On parlera dans notre cas de marque employeur.
La Gouvernance
L'éthique d'une entreprise, y compris l'équité, l'ouverture et la transparence dans ses pratiques commerciales.
La Citoyenneté
Le degré de respect de l'environnement d'une entreprise, sa capacité à soutenir de bonnes causes et avoir un impact positif sur la société.
Le Leadership
La vision d'une entreprise, la qualité de son dirigeant et de ses managers, et leur efficacité managériale.
La Performance financière
Les résultats financiers d'une entreprise, y compris sa rentabilité et ses perspectives de croissance.
Pour l’analyse de l’impact, dans votre dashboard, il faudra classer les messages et conversations collectées selon l’importance du driver de réputation en termes de risques
ex: la société fait l’objet d’amendes ou de procédures judiciaires avec un fort risque de réputation négative compte tenu de l'exposition médiatique, du volume de message, des émetteurs et de la nature de l’audience : il faut alors positionner le driver de Gouvernance en 1ère position dans votre tableau de bord de suivis des risques et surveiller toutes ses constituantes (éthique, transparence…) et les drivers liés (leadership, marque employeur,...).
IV. Le périmètre de surveillance
Quels canaux et espaces de publications et conversations doit-on surveiller pour détecter les risques ?
Nous sommes dans une démarche de gestion de la réputation. La caractéristique d’une telle surveillance est la possibilité que les origines des risques sont multiples. Cela tombe bien, un outil de social listening doit permettre un périmètre de surveillance large voire très large .
Gardez en tête aussi un des principes liés à la gestion de crise : ce n’est pas parce que votre entreprise à l’habitude de prendre la parole sur les canaux A et B que vos parties prenantes potentielles dans la génération de risques ne vont pas s’exprimer ailleurs, sur leurs canaux de prédilection X et Y.
Le périmètre de surveillance des risques
1. Les médias sociaux
Il faut mettre en surveillance les réseaux majeurs (de Facebook à LinkedIn en passant par TikTok) qu’ils soient internationaux ou locaux (Weibo, VK, QQ, WeChat, Baidu…). On parle bien de médias sociaux, aussi au-delà des réseaux sociaux, il faut surveiller les différents espaces de discussions que sont les forums, les newsgroups de type Reddit, les blogs et autres commentaires sur les différents sites
2. Les sites d’avis consommateurs
Ces espaces sont généralistes (ex: Amazon, Google Reviews) ou spécialisés verticalement : TripAdvisor, Opinion Assurances respectivement pour les voyages et les assureurs.
Par ailleurs, les avis sont aussi présents sur des sites non dédiés, à savoir toutes les grandes plateformes d’e-commerce : CDiscount, Fnac, Darty etc…
D’autres acteurs comme les apps de notation sur la composition des produits, les espaces publiants, les indices de réparabilité ou encore les notes de classes énergétique sont aussi à prendre en compte.
3. Les canaux d’actualités
On parle ici d’actualité au sens large. Au-delà des sites et sources de news généralistes. Il s’agit donc de surveiller la presse et les sites d’actualités, mais aussi la presse professionnelle et toutes les sources dédiées à votre secteur, votre métier (fédération sectorielle, lettres spécialisées..). Il faut également intégrer les flux radio et TV y compris les podcasts.
4. Les données tierces
Elles sont intégrables au sein de votre outil de gestion des risques de réputation via des APIs ou connecteurs : il s’agit de données et informations issus de votre CRM, de vos outils de gestion des mails clients, d’enquêtes et interviews.
V. Les autres types de sources à recenser
Vous avez identifié les données tierces, les médias sociaux, la presse et les sites d’actualité. Mais au sein de votre organisation, veillez à recenser les différents types de sources et supports déjà existant pour parfaire votre périmètre de surveillance : les newsletter, les bases de données spécialisées, les flux intranet, vos outils de Business Intelligence, les données issues de la veille terrain/salons/congrès…etc..
VI. Les déclencheurs de détection des risques
Votre système de détection des risques va devoir gérer en temps réel plusieurs indicateurs et certains vont être les déclencheurs de vos alertes.
Cela peut être, selon le paramétrage, qui doit permettre une grande souplesse de choix et de réglage :
- l’apparition de mots clés et hashtags spécifiques (les noms des ingrédients à risque dans des cosmétiques, un retour sur vos produit X, Y)
- des seuils de volume de messages (plus de 50 tweets par heure sur le sujet A, plus de 100 commentaires sur LinkedIN par jour sur le sujet B)
- des pics inhabituels de mentions sur un sujet précis
- des messages émanant d’émetteurs précis
etc…
Il s’agit ici d'exemples d’indicateurs déclencheurs.
Mais au quotidien, d’autres indicateurs vont vous permettre d’évaluer les impacts potentiels, l’évolution des risques, d’analyser votre environnement de réputation…:
- le nombre de sentiments négatifs et leur évolution
- le reach d’un message, d’un article
- le nombre d’interactions (like) et le nombre de partage d’un message
- le nombre de commentaires
- le nombre de vues
- le nombre de personnes qui parlent d’un sujet.
Très souvent, à l’aide de votre outil, il faudra croiser ces différents indicateurs afin de bénéficier d’une vision claire de la situation.
Exemple : les 3 middle influenceurs qui parlent de ma marque en positif ont-il plus d’impact que les 200 activistes qui la critiquent ? Pour répondre, il ne faut alors pas s'arrêter à un seul indicateur comme le nombre de mentions. En fonction du poids de l’émetteur, un seul message émanant d’une personne peut avoir davantage d’impact que 200 messages publiés par 200 personnes à la visibilité réduite. Dans ce cas, il faudra donc confronter : le nombre de mentions, le nombre de personnes qui en parlent, le ranking de l’émetteur et le reach estimé.
L’analyse de l’impact potentiel des messages dépend des indicateurs de lecture : Voici les différentes data visualisations des mêmes messages selon une analyse par nombre de mentions, audience, reach, ou interactions. Vous remarquerez que les pics ne concernent pas toujours les mêmes périodes et messages et donc que l’interprétation et les actions à prendre s’en trouvent changées.
L’analyse de l’impact potentiel des messages selon les indicateurs de lecture :
nombre de mentions, audience, reach ou interactions
VII. La gestion des signaux faibles
Au-delà de la détection d’un risque clairement identifié et établi, il faut pouvoir détecter et partager des signaux faibles :
Dans le langage de la veille stratégique, les "signaux faibles" constituent une notion classique et désigne des informations parcellaires liées à un sujet stratégique qui apparaissent en ligne ou lors d'une veille terrain. Ces “morceaux” d’informations peuvent apparaître au sein d’une période longue de plusieurs mois ou années. Pris indépendamment, ils n’ont pas forcément d'intérêt ni d'importance perçue (stratégique ou même simplement tactique) mais, reliés entre eux ou mis en perspective avec le contexte, la conjoncture, un nouvel événement, ils deviennent alors une information stratégique de première importance pour l’organisation.
Les outils de veille sont idéaux pour capter ces signaux faibles, les garder “en mémoire” et les activer en termes de risques (ou d'opportunités), une fois l’apparition d'autres informations convergentes.
En effet, une plateforme de Competitive Intelligence ou de Social listening permet de partager une information suspecte ou d'intérêt entre plusieurs équipes ou spécialistes pour commentaires et prise en compte. Il s’agit de garder une trace de cette donnée interne ou externe, qui, si elle ne constitue pas encore un risque, le sera potentiellement à terme, si elle entre en conjonction avec d’autres facteurs économiques, techniques, environnementaux, réglementaires, sociaux et politiques.
Votre système de détection des risques doit donc vous permettre de :
- monitorer le maximum de sources
- recevoir des alertes en temps réel
- évaluer les impacts
- partager l’information brute ou les analyses
- confronter une information, des données, des messages entre plusieurs équipes et compétences.
Il existe des outils réunissant toutes ces fontionnalités. Nous en reparlerons.
Sources
1. Cahier de la prospective - Risques émergents à horizon 2035. Aux frontières de l’assurabilité – CNP assurances -Juillet 2022
2. Source: Allianz Global Corporate & Specialty - Allianz Risk Barometer Results appendix 2023
Ecrit par Christophe Asselin
Christophe est Senior Insights & Content Specialist @ Onclusive. Fan du web depuis Compuserve, Lycos, Netscape, Yahoo!, Altavista, Ecila et les modems 28k, de l'e-réputation depuis 2007, il aime discuter et écrire sur la veille et le social listening, les internets, les marques, les usages, styles de vie et les bonnes pratiques. Il est expert Onclusive Social (ex Digimind Social)